Le CSA dézingue le projet de réforme des médias de proximité
Le régulateur de l'audiovisuel pointe des risques pour le maintien d'une réelle information de proximité. Il dénonce aussi "la repolitisation" des CA des médias de proximité.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a remis un avis, unanime, sur le projet de réforme des Médias de proximité, initié par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et le moins que l'on puisse dire est que cet avis est très critique.
Le projet vise notamment à ramener le nombre de MDP de 12 à 8, en limitant à un par province (deux pour le Hainaut et Liège, plus peuplées). Le CSA considère ce découpage provincial des MDP comme "inadéquat", compte tenu de "leur mission fondamentale de proximité". Le régulateur propose de retenir plutôt une répartition fondée sur le critère de "bassin de vie", ce qu'est, par exemple, la Wallonie picarde , l'événement de ce mercredi à Tournai Expo l'a encore montré.
Les membres du collège d'avis du CSA expriment également "leur profonde inquiétude" quant à l'impact de la réforme sur le pluralisme des médias. Cet impact est d'autant plus problématique que plusieurs volets de la réforme sont, toujours selon le CSA, "susceptibles d'accroître significativement les risques d'ingérence politique et économique, directe ou indirecte, dans le fonctionnement des médias de proximité".
Ces risques découlent notamment de la suppression de l'obligation de présence, pour moitié au moins, d'administrateurs issus des secteurs associatifs et culturels ainsi que de l'ouverture des conseils d'administration aux bourgmestres, échevins et présidents de CPAS. Le bureau du CSA y voit "une re-politisation des conseils d'administration des medias de proximite".
Réduction des moyens
Tout cela se passe en outre dans un contexte de réduction des moyens, via la suppression de l'indexation de la subvention de fonctionnement des médias de proximité. Aucun autre secteur n'est soumis à des coupes proportionnellement aussi fortes. Le rapport du CSA reprend à ce propos l'avis de l'Inspection des finances qui se demande "s'il est opportun d'envisager le plafonnement de la subvention de fonctionnement avant que l'impact de la réforme des APE ne soit estimé".
Dans le même registre, le CSA reprend aussi le rapport du comité d'experts mandaté par le gouvernement MR-Engagés qui invitait à "s'assurer que ces efforts n'affectent pas la qualité du service offert en matière d'information de proximité". Pour le réseau des médias de proximité (membre du CSA), le maintien de l'indexation est "une condition essentielle à la stabilité du secteur et à la qualité du service public de l'information locale".
Globalement, les membres du College d'avis demandent unanimement "qu'une étude d'impact préalable soit menée par l'auteur de l'avant-projet de décret tant d'un point de vue économique que sous l'angle du pluralisme des médias". Dans sa contribution écrite à ce rapport du CSA, le réseau des médias de proximité estime "indispensable d'objectiver" les éléments et d'analyser "l'efficience et la réalité des économies esperées" avant d'aller plus loin. Le RMDP et l'AJP (association des journalistes professionnels) "s'interrogent sur le caractère précipité de cette réforme compte tenu de la durée des conventions courant jusqu'au 31 décembre 2030 ", peut-on encore lire dans ce rapport du CSA.
La réponse de Jacqueline Galant
Interrogée par Le Soir, la ministre des Médias Jacqueline Galant (MR) n'a guère semblé ébranlée par ce rapport du CSA. Elle maintient ses orientations budgétaires ("Tout le monde doit faire des efforts") et assure que son projet permet aux médias qui le souhaiteraient de conserver des rédactions décentralisées afin de fonctionner sur un bassin de vie. Enfin, elle assume pleinement son choix de repolitiser les conseils d'administration. "Certains bourgmestres et échevins envoient leurs collaborateurs ou chefs de cabinet pour les représenter, dit-elle au Soir. Stop à l'hypocrisie. Il faut que le politique soit représenté car les pouvoirs locaux financent les médias de proximité."
C.D.C.