«Y en a qui en fin de carrière s'achètent une caravane moi, j'ai fabriqué une brasserie» : Philippe Vandamme, patron brasseur du “Grand Mir”

«Y en a qui en fin de carrière s'achètent une caravane moi, j'ai fabriqué une brasserie» : Philippe Vandamme, patron brasseur du “Grand Mir”

Philippe Vandamme patron du « Grand Mir », brasserie artisanale installée à Lesdain depuis 2019 a avant cela travaillé pour de grands groupes dans le domaine brassicole, une activité qui l’a mené aux 4 coins du globe.

Une vocation précoce

Né le 22 octobre à Chercq, Philippe Vandamme a passé une enfance heureuse entre des parents enseignants, bienveillants mais exigeants en matière scolaire et en toute liberté avec sa bande de copains. Une boîte de petit chimiste reçue en cadeau le pousse a faire des expériences dans la cabane du jardin : "On empruntait des bouquins à la bibliothèque et le samedi on fabriquait de petits explosifs, des produits contre les taupes et on s'est même essayé à la distillation. On achetait facilement des produits à l'époque, aujourd'hui c'est impensable" raconte Philippe.

Un parcours universitaire éclectique

Après deux candis "aux textiles" en ingénieur industriel, Philippe Vandamme part à Bruxelles pour deux années de bio-chimie avec spécialisation en brasserie puis une passerelle en ingénieur chimiste et agro-alimentaire. "J'y ai eu un prof extraordinaire, Mr Devereux. Son cours était un véritable voyage avec des anecdotes précises sur le monde brassicole. On buvait ses paroles et il m'a donné envie de découvrir le monde". Plutôt que pour le service militaire, Philippe opte pour un service civil. Grâce à une assistante de labo, il passe un entretien express à Paris pour un poste à Bangui en Centre Afrique. Le patron du groupe Castel lui demande si il a déjà fabriqué de la bière. "Je lui ai dit oui : j'avais effectué un stage d'un mois à la Brasserie Dubuisson!" se marre Philippe " Quelques semaines plus tard, en novembre, j'arrive vacciné, en gros pull et ... sans visa ce qui m'a valu quelques sueurs froides"

Le début d'une carrière internationale

"L'Afrique a été une véritable découverte humaine. Je gérais une équipe de 20 personnes qui fabriquaient de la bière, certains étaient illettrés mais naturellement intelligents. C'est là que j'ai fait la différence entre intelligence et éducation. Et puis le directeur scientifique d'Artois me propose au bout de deux ans un poste en Hollande. J'y suis resté 7 ans à la qualité puis à la production. Les Hollandais ont un style direct : un accord est un accord. Ils étaient bien avant nous sensibles à l'environnement. J'y ai aussi appris à compter" ajoute-t-il malicieusement.

Avec l'effondrement du mur de Berlin en 1989, Interbrew rachète une vingtaine de brasseries en Europe de l'Est puis en Ukraine. Philippe Vandamme s'installe à Kiev et devient directeur technique de 4 usines qui comptent chacune 400 à 500 travailleurs. "C'était la mentalité slave, l'est dur avec des gens qui avaient été menés à la baguette et en avaient parfois la nostalgie. J'y ai crée des liens amicaux forts et je suis complètement consterné par ce qui s'y passe aujourd'hui. Je prends des nouvelles de mes amis. C'est dur".

S'en suivent deux ans, comme responsable qualité, en Europe sous la houlette des canadiens "un management à l'anglo-saxonne". "Et puis le grand patron m'envoie à Shanghaï où le groupe était sur le rachat d'une vingtaine d'usines. Je partais pour une semaine , j'y suis resté 5 ans avec là aussi un choc culturel. Quand je suis revenu, j'avais 52 ans et bien que je sois dans le Top 15 des managers techniques, j'étais considéré comme trop vieux. J'ai été contacté par des acheteurs en Europe centrale pour reprendre la direction technique de brasseries que je connaissais bien. Je suis resté 3 ans à Prague. Il y aura encore une période de fous à Denver au Colorado mais au bout d'un an et demi j'ai renoncé aux voyages incessants entre le Mexique, Panama ou encore Tokyo".

L'aventure du Grand Mir

"Je reviens à Tournai et dans la ferme de ma compagne Pascale à Lesdain, je décide de fonder une micro-brasserie en 2019 et un nom s'impose "Grand Mir", le surnom du papa de Pascal qui était grand et qui était le fils de Casimir. On a directement privilégié le bio avec 8 bières qui couvrent bien la gamme classique : blonde, ambrée stout et certaine sont obtenu de belles récompenses lors de la "Brussels Beer Challenge", la référence en matière de concours qui réunit 40 pays et 1800 bières. "Y en a qui en fin de carrière s'achetant une caravane moi, j'ai fabriqué une brasserie" conclut en souriant ce brasseur heureux.


A.O.