Le + de l’info explore la précarité au pluriel avec deux femmes de terrain

Le + de l’info explore la précarité au pluriel avec deux femmes de terrain

Alors que près de 2,1 millions de personnes en Belgique vivent sous le seuil de pauvreté, les voix de terrain s’élèvent. Dans ce numéro spécial de + de l’info, Christine Mahy (RWLP) et Maryse Courouble (Espace Racines Carrées à Mouscron) livrent un état des lieux sans détour et plaident pour des actions structurelles fortes.

Ce 17 octobre, Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, rappelle une réalité criante : près d’un Belge sur cinq est exposé au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Derrière les chiffres, ce sont des parcours de vie brisés, des rêves suspendus et des choix impossibles. « Travailler ne suffit plus toujours à vivre dignement », déplore Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté.« On préfère parler de précarités, au pluriel », insiste Maryse Courouble, co-fondatrice de l’association Espace Racines Carrées à Mouscron. Car la précarité ne se limite pas au manque d’argent : isolement social, instabilité de logement, accès limité à la santé ou à la culture sont autant de dimensions qui s'entrecroisent. Et lorsqu’elles se cumulent, la chute devient inévitable.Dans cette association autogérée et sans subside, le lien humain est au cœur du dispositif : pas de critères d’accès, pas de jugement. Juste un lieu où boire un café, échanger, s’informer, retisser du lien social et reprendre confiance. « C’est parfois ce pas-là qui permet ensuite d’aller pousser une autre porte, celle d’un droit auquel on ne croyait plus avoir droit », explique-t-elle.

La pauvreté des étudiants, un phénomène en hausse

Autre visage de cette pauvreté silencieuse : les étudiants précarisés. À la Haute École en Hainaut (HEH), des aides ponctuelles de 1 100 à 3 900 € par an sont distribuées via le Conseil social. Une épicerie et un vestiaire solidaire ont même été mis en place, face à la montée des demandes.Mathilde, 41 ans, a repris des études pour devenir assistante sociale. Entre son crédit hypothécaire, ses frais fixes et ses études, elle jongle avec les aides pour ne pas sombrer : « Ce n’est pas une vie de confort. C’est une vie sous tension permanente, avec l’angoisse comme colocataire », dit-elle.

Le travail ne protège plus contre la pauvreté

« Le mythe du travail comme sortie automatique de la pauvreté est dépassé », dénonce Christine Mahy. En cause ? Des salaires trop bas, des contrats précaires et discontinus, des coûts de logement exorbitants, et une invisibilisation croissante des plus fragiles. Sans oublier le non-recours massif aux droits : beaucoup de personnes abandonnent face à la complexité administrative ou à la stigmatisation.« On demande aux gens de tout raconter pour obtenir de l’aide, tout en les culpabilisant d’en demander », résume-t-elle. Un paradoxe insupportable pour celles et ceux qui, malgré les difficultés, se battent pour garder leur dignité.


O.W.