Guy Harpigny ne partage pas la vision du pape François : « Les évêques n’ont jamais demandé la béatification du roi Baudouin »
Après avoir passé quatre jours en Belgique, le pape François a terminé son séjour par une eucharistie au stade roi Baudouin. L'évêque de Tournai Guy Harpigny était sur le plateau de notre journal pour revenir sur cette visite.
Guy Harpigny, vous avez co-célébré la messe avec le pape François. Quel souvenir en gardez-vous ?
Tout était très bien. Mais l'homélie du pape, les évêques ne l'ont pas entendue parce que les baffles n'étaient pas bien orientés pour éviter un effet Larsen. On voyait la bouche du pape bouger, mais on entendait rien. C'était néanmoins très bien et on a eu l'homélie après.
C'est un événement assez rare. La dernière fois qu'un pape s'était rendu en Belgique, c'était 1995. C'était le pape Jean-Paul II. C'est de l'émotion, j'imagine pour l'évêque que vous êtes ?
Oui, et il était déjà venu en 1985 où, là, il était resté plusieurs jours. J'étais déjà là à Beauraing. J'étais professeur de séminaire à ce moment-là. En 1995, je n'étais pas là. Et puis, comme évêque, on voit quand même le pape régulièrement à Rome.
Le pape a soutenu les personnes qui ont été victimes d'abus sexuels de la part d'hommes d'Eglise. On sait que vous êtes beaucoup investi dans cette cause également. Est-ce que les propos du pape François étaient nécessaires et rassurants pour de nombreuses victimes ?
Évidemment. On a eu à partir du mois de septembre une grande polémique en Flandre avec Godvergeten, quatre émissions sur le sujet. On a beaucoup réfléchi. On avait déjà réagi en 2010-2012 après la démission de l'évêque de Bruges de l'époque. Et on voit bien que les victimes ne sont pas satisfaites. Je crois qu'une des étapes encore à franchir et que le Pape souhaite vraiment, c'est qu'on écoute davantage les victimes et qu'on leur demande leur avis sur les propositions que l'on va faire.
Ce n'est pas simplement des gens entre guillemets extérieurs à la souffrance, mais ces victimes doivent aussi intervenir. Et, là, je crois que c'est un grand pas en avant. Et le pape insiste beaucoup aussi pour être sévère avec les abuseurs. Il a raison. Nous avons un code de droit canonique, la législation civile pour l'Etat, mais nous avons aussi des règles à suivre. Mais ce n'est pas toujours fait avec beaucoup de précision. Et là aussi, il faut avancer.
La visite papale était fortement teintée aussi de polémiques puisque le pape a eu des propos très liberticides vis à vis des femmes. Il a réduit ces femmes à leur rôle de procréation, à leur fécondité. Est-ce que vous pouvez comprendre que ces propos aient pu choquer ?
Bien sûr. C'était à Louvain-la-Neuve. J'étais là. Donc la personne qui a présenté tout ce qui concerne la transition climatique, l'écologie, avait magnifiquement résumé l'encyclique Laudato si' du pape actuel. Et puis elle dit : "Et les femmes là-dedans ?". Et le pape a répondu, si on peut dire, comme théologien.
Donc dans la Genèse, c'est ceci, et dans la Bible, c'est cela. Il fallait répondre directement. Il aurait pu dire autre chose plutôt que ce que l'on enseigne d'habitude. Et il aurait pu signifier aussi devant tout le monde ce que beaucoup savent, c'est que dans l'Eglise, il y a déjà des femmes qui ont de grandes responsabilités, pas seulement dans les diocèses en Europe, mais aussi à la curie romaine. Pour le choix des évêques, il y a trois femmes dans le club à Rome. Et je comprends qu'il y ait des gens qui soient déçus, mais il a dit ça en quelques secondes. On peut encore attendre peut-être de lui des compléments plus tard.
Le Pape a également salué le courage du roi Baudouin en faisant référence à son refus de signer la loi dépénalisant l'avortement. Il a encouragé les dirigeants à adopter le même genre d'attitude ultra conservatrice. Est-ce que c'est le rôle d'un pape de faire preuve d'ingérence dans le monde politique ?
Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ce que peut faire un Pape ou non. En tout cas, quand il parle de ces matières-là, c'est au niveau de la morale qui est différente, distincte en tout cas de la législation des Etats. Il n'a pas à faire des remarques sur ce qui se passe en Belgique au niveau du Parlement. Ça, ce n'est pas pour lui.
Quand le roi Baudouin a refusé de signer cette loi, directement à Rome, au Vatican, ils ont dit que c'était magnifique. En Belgique, on était quand même perplexe. Le fait que le Pape veuille maintenant béatifier le Roi, ça vient de quelques-uns sans doute, mais les évêques ne l'ont jamais demandé. Et il demande maintenant aux évêques de participer à ce travail. Nous allons obéir évidemment nous sommes évêques. Je suis d'accord avec le fait que le Pape dise quelque chose sur l'avortement, mais traiter ceux qui sont médecins, gynécologues, de tueurs à gages, il l'avait déjà fait une première fois il y a quelques années, c'est un peu fort. Et je comprends les gynécologues.
Vous avez annoncé votre retraite et il vous fallait l'accord du pape pour qu'elle puisse être effective. Vous avez eu l'occasion de lui demander si votre retraite était acceptée ?
On n'a salué qu'une fois le pape pour lui donner la main. C'était à Koekelberg le samedi matin. Je lui ai dit "Bonjour" et "J'attends un successeur". J'ai parlé avec quelqu'un de l'entourage qui s'occupe de ça et il m'a dit oui, je sais, mais encore beaucoup de patience. J'attends.
C.F.